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Critique : Théorie de la religion (Frédérick Maheux) (2010)

Synopsis : Une mise en scène des plus simplistes: une poupée, un homme et des outils. Tous ces éléments sont rassemblés dans un sous-sol éclairé par plusieurs projecteurs. L’Homme est un corps et une conscience. Son rôle est le potentiel infini de la volonté sadique. La pulsion sexuelle, alimentée par l’alcool et les drogues, est si forte qu’elle effrite l’enveloppe charnelle, de l’épiderme jusqu’aux nerfs. La poupée, modèle pour les simulations médicales, n’est que plastique. Plastique, mais icône, symbole et, conséquemment, marquée d’unheimliche. Un homme possédé par une frénésie libidinale et une poupée aux formes féminines.

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APOLOGIE

« Je te retire, victime, du monde où tu étais et ne pouvais qu’être réduite à l’état d’une chose, ayant un sens extérieur à ta nature intime. Je te rappelle à l’intimité du monde divin, de l’immanence profonde de tout ce qui est. » -Georges Bataille, Théorie de la religion



Nous avons ici une œuvre purement expérimentale librement inspirée d’un essai du grand philosophe transgressif Georges Bataille. Réaliseé par Frédérick Maheux, artiste Québécois surréaliste ayant déjà sorti plusieurs courts métrages (que vous pourrez trouver là :http://lamashtu.net/ ) expérimentaux souvent imagés sous forme d’assemblages d’images saturés et de bruitages façon Noise, nous avons ici une œuvre vraiment particulière qui d’emblée n’est pas pour n’importe quel public. Bien loin de ça, nous connaissons déjà ce réalisateur pour son excellent documentaire « Art crime » sur Remy couture et ses œuvres sanguinolentes. Ici, vous allez le découvrir dans quelque chose de beaucoup plus conceptuel et moins facile d’approche.

« Que cette nuit soit éternelle. Il se retrouve seul en compagnie de son obscur objet de désir. Magnifique, Elle est entièrement soumise à son maître. Son corps, Il en a pris possession et en fera tout ce qui lui procurera jouissance. À ses côtés se trouvent ses accessoires fétiches : lames de toutes les tailles, marteau, clou, de quoi ouvrir une véritable quincaillerie coquine. Loin des regards, mis à part cet étrange photographe qu’Il ne semble pas remarquer, et prisonnier de la protection de son appartement, Il amorce enfin ce moment qu’Il attendait depuis toujours, cette cérémonie érotique où s’assouviront ses inavouables envies sadomasochistes. Elle, Il a l’intention de la faire souffrir. Son corps, Il le déchirera, le découpera, le brûlera. Et jamais Elle ne le priera d’arrêter, même lorsque la douleur aura atteint son paroxysme. Parce qu’Elle n’est pas de chair, mais de plastique. Parce que les poupées, simulacres sans vie des femmes, font les meilleurs esclaves. Ce sera atroce, mais également si beau. Ô Eros, que votre volonté soit faite ! Que cette nuit soit éternelle ! »

Tel sera introduit le film.

En faisant abstraction des symboles, nous avons comme l’impression de nous retrouver devant un snuff nécrophile sous VHS filmé dans une sorte cave aménagée. Ce sera le cas si les victimes n’étaient pas des poupées, des corps en plastique. Alors, l’image est sale et l’ambiance extrêmement crasseuse, et c’est totalement volontaire. On retrouve ici notre bonne ambiance tout droit venue du cinéma underground transgressif et indépendant. Mais cet esthétique singulier n’exclut pas une maitrise parfaite de l’image, de la caméra. Dans cette œuvre atypique, on aurait bien souvent tendance à oublier que les victimes ne sont pas réelles car le réalisme et la mise en scène déstabilisent et se montrent particulièrement malsaine.

À ces victimes en plastique seront ajoutés de réels organes, du réel liquide sanguin. Troublant. Des pauvres poupées enceintes subissant toutes sortes de perversions sexuelles et sadiques. Comme nous dira le réalisateur : les bites défonçant des gorges deviennent des perceuses électriques défonçant des crânes. Et le spectateur se fait secouer dans tous les sens tout en suivant cette étrange expérience organique sous fond de Noise et d’images saturés avec introspection.


Difficile aussi de passer à coté de l’aspect rituel. Oscillant entre occultisme et sexualité, ces poupées soumises à l’homme sadique et libidineux représentent le concept de la pornographie poussé à son paroxysme. Matérialisé la chose, qu’elle devienne objet. L’attrait philosophique/surréalisme ainsi que l’attrait littéraire prédominent dans cette œuvre impressionnante qui saura s’ancrer dans l’encéphale du spectateur.

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