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Critique : Melancholie der engel (2009) (Marian Dora)

Synopsis : Après longtemps sans s’être revu, deux amis se retrouvent et retournent dans une vielle maison située dans une étrange vallée émanant quelque chose de mystérieux. Là où tout a commencé . Dans leur grande demeure ils convieront des victimes sur lesquelles ils se livrerons à d’étranges pratiques sadiques et sexuelles.


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On assiste ici à 2h38 de pure dépravation, de pure folie. Ce film a tout de quoi choquer, mais putain qu’il est BEAU. Magnifique sur le visuel comme sur sa philosophie, Melancholie der engel est une pièce maîtresse du cinéma underground et extrême. C’est surement l’un des films les plus abjects existant, mais Marian dora a su sublimer tout ça à travers une poésie noire et envoûtante. Sa philosophie, complexe et nihiliste représente, comme le dit le titre, la mélancolie des anges. C’est-à-dire, leur désolation a guidé l’humanité vers quelque chose de faux. Une humanité faible et mauvaise qu’ils préféreraient voir périr. Dans son ensemble, l’histoire se déroule dans une vallée étrange où les légendes occultes et mystiques sont nombreuses et où la notion du réel est floue.

Nous n’avons ici une œuvre jamais vulgaire et constamment sensuelle. Une déviance très érotisée et spirituelle à travers laquelle nos personnages se livrent dans leurs ébats orgiaques. Bien que très extrême, jamais il ne s’étale dans une surenchère puérile. Chaque scène déviante est nécessaire et, sur 2h40, les scènes réellement gores ne sont pas si nombreuses que ça. Le malaise du film réside dans son ambiance constante, ce décor délabré et ancien très naturaliste où l’on aperçoit régulièrement des poupées (sur lesquelles je digresserai plus tard) ainsi que des animaux morts, des carcasses, des ossements…(D’ailleurs ceux qui ont un problème avec les animaux massacrés devraient éviter ce film…) Tout ceci étant fortement accentué par l’esthétisme/l’éclairage (très gothique médiéval) naturellement malsain et troublant qu’adopte Marian Dora. Chaque personnage contribue aussi grandement à la folie ambiante de ce long métrage.


Analyse (SPOIL)

Rentrons désormais dans la phase d’analyse. Ps : Ceux qui n’ont pas encore vu le film devraient peut-être éviter de lire ceci au risque que des éléments importants soient dévoilés.

Les deux protagonistes principaux, l’un à la chemise blanche et l’autre à la chemise noire illustrent Eros et Thanatos à travers la figure incarnée de « l’ange ». Le film débute dans un parc d’attractions et marquera ainsi un élément principal du film qui se rapportera à l’attraction et l’animation humaine.

Le film sera introduit par ces paroles : « J’ai fait un rêve. Bien plus qu’un simple rêve. Le soleil s’est éteint et les astres errants se sont éclipsé dans l’espace éternel. Les gens ont oublié leurs passions dans la crainte de leur abandon et tous les cœurs endurcis se sont perdu dans une prière égoïste de la lumière. » Après une première excursion dans cette étrange vallée où il est dit que cette zone n’est pas faite pour nous les humains, les personnages évoluent. Ils rentreront ensuite dans une sorte de grand temple où ils se livreront à leurs passions lubriques et déviantes, où ils s’isoleront de cette civilisation qu’ils haïssent tel des anachorètes.

« Aussi longtemps que vous vivrez dans cette maison, il y a deux visiteurs, passant de-ci de-là . Ils sont appelés Amour et Douleur. Vous devrez bien les recevoir tous les deux »

Recevoir la douleur au même titre que l’amour. La sensation de la souffrance est très souvent mise en avant sous une forme de transe hédoniste. Plus tard, lorsque l’homme en noir rentre dans une folie qu’il ne contrôle pas, notre narrateur prend la parole.

« La douleur réclame plus d’efforts de l’âme que le plaisir. Mais l’âme s’élève à un niveau supérieur ». Réflexion qui poussera alors nos protagonistes à mettre en accord la douleur avec l’âme.

« Encore et encore, nous imaginons la vision de l’Empédocle, d’un âge d’or. Quand il a été considéré comme le plus grand outrage de voler des vies et de dévorer des membres nobles. »

Ici, l’homme en blanc nous parle d’Empédocle, un philosophe grec de 490 av JC à la philosophie archaïque. Ses idées seront souvent reprises dans le film car les 4 éléments qu’il ausculte sont l’eau, la terre, l’air et le feu qui, selon lui, constituent toutes matières.

Empédocle a dit un jour : « Connais premièrement la quadruple racine De toutes choses : Zeus aux feux lumineux; Héra mère de vie, et puis Aidônéus; Nestis enfin, aux pleurs dont les mortels s’abreuvent »

Il considère donc le « mortel » comme quelque chose de désuet et ne leur laisse que les pleures de la divinité. Pleures des anges qui ont désormais cessé de verser des larmes et ont laissé place à la « mélancolie ». « Ô monde, ô laisse-moi exister, ne me tente pas avec de l’amour. Laisse ce cœur connaître ses joies et ses peines seule. J’ignore ce que je pleure, ce sont des douleurs inconnues. »



L’ange pleure pour la peine du monde entier et rêve d’exister autre part que dans l’esprit de l’humain. Il voudrait en réalité se détacher de l’humanité et pleurer pour ses propres peines, ne jamais aimer ni guider. C’est ce qu’il fera à travers son absolution représenter par son sadisme auquel il laisse court. Les divers symboles religieux et blasphèmes représentent une certaine vengeance des anges envers la création « humaine » de Dieu. Par là, ils se détachent alors de toute entité divine supérieure et livrent cette humanité à cette déviance qu’elle considère souvent comme hideuse, cette douleur qu’elle considère souvent comme atroce. L’espérance absolue de l’ange à la chemise blanche est d’être en communion, en amour avec la nature et ses éléments alors que l’homme à la chemise noire s’obstine à garder ce lien avec l’humanité. Leur désespoir commun s’accentue quand, ne disposant dans rien de plus que cela, ils réalisent qu’ils sont voués à l’errance éternelle, ce sort infâme dicter par les dieux (retour à la raison du blasphème). « Tu n’as jamais été amoureux? Puissent les dieux me préserver de ce fléau. Y a-t-il pire forme d’esclavage sur terre? »

Je pense avoir résumé mon analyse personnelle sur les grandes lignes. Alors maintenant, que ces inquiétantes poupées viennent faire ici ? Souvent sales, abimés, dans la terre ou sur les murs, ils représentent l’Unheimlichen. C’est un concept Freudien intitulé en français « L’inquiétante étrangeté » qui fut étudiée la première fois par Ernst Jentsch. Celui-ci consiste à remettre en cause un objet animé en se demandant si celui-ci s’agit réellement d’un être vivant, et à l’inverse, s’interroger sur le fait qu’un objet sans vie pourrait éventuellement s’animer (retour au symbolisme du parc d’attractions). Les poupées, souvent disposés proches d’éléments naturels tel que des murs ou des arbres font alors figure de cet objet inanimé qui pourrait prendre vie au même titre que les humain ne sont peut-être pas si vivant qu’on le croit si sa vitalité réside en son intérieur que les « Anges » blâment et dénigrent.

Comme vous l’aurez donc compris, les sous titres français (fait par la team sadique-master) sont donc essentiels pour comprendre et apprécier pleinement le film.

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